Peu utilisée, la fiabilité des prévisions des ventes, ou “sales forecast accuracy” en anglais est un indicateur clé en Supply Chain et logistique.
Si elle est correctement choisie et bien mesurée, elle vous permettra de réduire vos ruptures de stock, d’augmenter votre taux de service et de réduire le coût de votre Supply Chain.
Découvrez en 5 étapes comment maitriser les formules de fiabilité de prévision et implémenter le bon KPI ou indicateur dans votre Supply Chain:
Vous pouvez télécharger l’Excel utilisé dans cet article ici :
Pour jauger la qualité des prévisions de ventes, il existe de nombreuses méthodes. Je les ai beaucoup étudiées : je me suis entouré d’experts, lu des livres de référence et j’ai fait le parallèle par rapport à mes propres expériences en prévision de ventes.
J’en suis arrivé à la conclusion que LA méthode parfaite n’existe pas et que les nombreuses solutions existantes s’apparentent à véritable labyrinthe de formules mathématiques. Faire le tri peut s’avérer difficile.
C’est pourquoi la meilleure chose à faire pour vous est de choisir une méthode cohérente, facile à mettre en place et à maintenir, et qui vous permette d’estimer d’un rapide coup d’œil la qualité de vos prévisions de ventes.
Je vais vous détailler étape par étape comment faire, de la sélection des paramètres jusqu’aux détails du calcul.
1) Avoir une prévision des ventes
La première étape est… d’avoir une prévision des ventes. Vous devez peut-être sourire, mais beaucoup d’entreprises n’en ont pas.
Si vous n’en avez pas, commencez simplement par ce calcul : ventes moyennes X saisonnalité X croissance. Si vous avez un ERP ou un autre logiciel, vous avez probablement déjà des prévisions.
Les prévisions des ventes sont un sujet très vaste et je ne m’étendrai pas plus dessus dans cet article. Si vous avez un besoin spécifique dans ce domaine, mon programme « Forecasting Expert » (encore en préparation) contiendra les meilleurs modèles de prévision pour l’ensemble de votre Supply Chain.
Si vous ne pouvez vraiment pas attendre, vous pouvez consulter mon article : Prévisions sur Excel en 3 Clics : Tutoriel Complet avec Exemples. Je partage des méthodes simples pour faire des prévisions des ventes sur Excel en moins de 5 minutes.
2) Définir un horizon de prévision des ventes
Une fois vos prévisions bien implémentées, il vous faut définir un horizon de prévision. Il s’agit simplement de l’intervalle de temps entre le moment ou les prévisions ont été calculées et celui ou les ventes ont été réalisées.
Dans l’exemple suivant, des prévisions de ventes ont été calculées à l’échelle d’un article pour le mois de mai. Ces prévisions sont actualisées chaque mois et prennent en compte l’historique des commandes : en janvier, la prévision pour mai indiquait une vente de 500 quantités. En février, elle était de 700. En mars de 900, etc. Finalement, 1000 quantités ont été vendues.
Il devient évident que le calcul de fiabilité ne sera pas le même si l’on choisit un horizon d’un mois (prévisions d’avril) ou de 4 mois (celles de janvier).
Alors, comment choisir correctement l’horizon de prévision ?
La solution idéale : le délai moyen d’approvisionnement de l’article
Imaginons que vous ayez 90 jours d’approvisionnement sur un article. Pour commander les quantités du mois de mai, vous devriez donc vous baser sur les prévisions faîtes en février.
L’idéal serait donc de choisir un horizon de 90 jours dans votre calcul de fiabilité : la raison est qu’après le mois de février, vous ne pouviez plus réagir.
Le problème est que les délais d’approvisionnements sont très souvent spécifiques aux articles ou aux fournisseurs. Vous vous retrouveriez donc avec des horizons et des calculs de fiabilité propres à chaque article.
Étendre ces règles de calcul sur l’ensemble de votre catalogue produit deviendrait vite très compliqué, et c’est bien là le gros désavantage de cette méthode. Vous risqueriez également de perdre vos collègues dans le processus, du fait de cette complexité.
Pour être transparent avec vous, bien que cette méthode soit idéale, je l’ai rarement vue utilisée. Même au sein des grandes entreprises réputées en Supply Chain.
La solution recommandée : le délai général d’approvisionnement
Si vous voulez faire simple, je vous recommande d’utiliser une durée moyenne de tous vos approvisionnements. Si votre délai moyen d’approvisionnement est de 2 mois, comparez votre demande avec votre prévision faite 2 mois avant. Si vous êtes dans un domaine à très court terme comme la production, optez pour un horizon de prévision d’une à deux semaines.
Gardez la même règle pour tous vos articles.
Si vous n’avez pas d’idée sur la période à prendre, comparez avec le mois précédent. Même si ce délai s’avère trop court pour réagir, il n’en est pas moins intéressant, car il s’agit d’un moyen simple de passer à l’action dans la création de votre KPI sur la fiabilité de prévision.
3) Sauvegarder les historiques de prévision des ventes
Pour pouvoir effectuer les calculs, vous devez avoir accès à deux données : l‘historique des prévisions et l’historique de la demande.
Commencez donc à enregistrer ces historiques par article. Et si possible, par semaine.
Si vous ne voulez pas que cela trop difficile à maintenir, je vous conseille vraiment de créer un seul tableau ou base qui centralise toutes ces données. Si vous le faites à la main, ne conservez que les données du mois précédent.
Faites attention à ces points :
- Veillez à bien utiliser la demande réelle, et non les ventes. Par exemple, si on vous demande 1000 pièces et que vous n’en vendez que 500 à cause d’une rupture de stock, le calcul de fiabilité doit prendre en compte une demande de 1000 et non de 500.
- Sauvegarder vos historiques en quantité et en valeur (je vous recommande le prix de vente, mais le prix d’achat peut aussi convenir). Par exemple, si vous vendez des vis et des moteurs, les vis sont certainement beaucoup moins importantes que les moteurs en termes de marge. Il est donc important de les valoriser afin de leur donner du poids dans le calcul.
- Enfin, je vous conseille de disposer de l’historique des articles actifs/inactifs, certaines entreprises calculant leur qualité prévisionnelle uniquement sur les articles actifs.
4) Choisir une méthode de calcul de fiabilité des prévisions des ventes
Une fois l’historique et l’horizon de prévision déterminés, vous pouvez vous lancer dans le calcul de fiabilité.
Vous pouvez télécharger l’Excel des exemples suivants ici :
- La première étape consiste à calculer l’erreur de prévision au niveau de l’article. Il suffit de soustraire la prévision à la demande pour chaque article.
- L’étape suivante consiste à récupérer la valeur absolue de l’erreur calculée précédemment (utilisez la formule =ABS() dans Excel).
- Enfin, vous devez calculer le % de l’erreur, toujours au niveau de l’article, pour ce faire, il suffit de diviser la valeur absolue de l’erreur par la demande, et de multiplier le tout par 100.
Voici le résultat sur Excel de ces 3 calculs pour un horizon de 2 mois :
Maintenant que vous avez les erreurs par article, la question est de savoir comment comptabiliser toutes ces erreurs, pour avoir un indicateur global.
Il existe de nombreuses manières d’obtenir cet indicateur global. Ici, je vais vous présenter les 4 formules mathématiques les plus utilisées. Cela va rester très simple.
1- BIAS (erreur de prévision persistante)
Le biais de prévision ou bias est l’écart systématique entre les valeurs estimées et les valeurs réelles. Il est utile pour voir si vous avez tendance à surestimer (BIAS > 0) ou à sous-estimer vos prévisions (BIAS < 0) pour tous vos articles. Je vous suggère de faire un tour sur ce petit article de l’Université de l’Arizona qui illustre la différence entre l’exactitude, la précision et le biais (accuracy, precision, bias).
Pour l’obtenir, il suffit de diviser la somme de vos erreurs par la demande totale.
2- MAPE (Mean Absolute Percent Error)
Le MAPE est le pourcentage moyen d’erreurs. Il s’agit simplement de la moyenne des pourcentages d’erreur :
Cette méthode n’est vraiment pas recommandée, car il n’y a pas de pondération, ni sur les quantités, ni sur les valeurs. Si l’on se fie à cet indicateur pour optimiser ses prévisions, on aura tendance à nettement sous-estimer les périodes de forte demande. Je recommande cette méthode uniquement dans le cadre d’une classification ABC.
3- MAE (Mean Absolute Error)
Le MAE, aussi appelé MAD (Mean Absolute Deviation) ou encore WAPE (Weighted Absolute Percentage Error), consiste à calculer la moyenne des erreurs absolues pondérées. Il s’agit de diviser le total de vos erreurs absolues par la demande totale.
C’est pour moi la méthode recommandée en demand planning, elle est simple à expliquer et est pondérée par la quantité ou la valeur (je recommande toujours la pondération par la valeur et non par la quantité).
4- RMSE (Root Mean Squared Error)
Le RMSE est calculé à partir du MSE (Mean Squared Error, ou MSD pour Mean Squared Deviation).
Le MSE est la moyenne du carré des erreurs par article. Par rapport aux indicateurs précédents, il nous faut donc rajouter les erreurs carrées par article.
Puis, on peut obtenir le RMSE qui est la racine carrée du MSE.
Le RMSE est beaucoup plus complexe à expliquer et à comprendre. L’avantage de cette formule est qu’elle pénalise fortement les grosses erreurs de prévision.
Je ne recommande ces 2 indicateurs que pour les personnes déjà à l’aise avec les statistiques et l’analyse de données (voir avec la data science et le machine learning), car elles seront plus à même d’éviter les erreurs de calculs, d’interpréter correctement les résultats et surtout, de communiquer avec les décideurs.
5) Calculer le KPI Fiabilité des Prévisions des ventes
Je vous recommande donc d’utiliser le MAE pour calculer votre KPI, il est simple à mettre en œuvre et à interpréter. Il facilite le suivi des performances et permet de communiquer efficacement avec vos collègues en prévision des ventes. Vous pouvez utiliser le biais comme un complément, afin de détecter des erreurs récurrentes que vous ne remarquerez pas avec le seul MAE.
La fiabilité des prévisions des ventes est dérivée du % d’erreur global que l’on vient de calculer. Peu importe la formule choisie.
Le KPI de fiabilité s’obtient simplement par le calcul suivant : 1 – % Erreur totale (BIAS, MAPE, etc). Si, par exemple, votre MAE est de 20 %, vous avez alors un taux d’erreur de 20 % et une fiabilité de prévision de 80 %.
Utiliser la fiabilité en tant que KPI plutôt que l’erreur est en quelque sorte une manière plus positive de communiquer.
Conclusion
L’estimation des ventes futures est essentielle pour votre entreprise, il est donc crucial de mesurer la fiabilité de ces estimations.
En procédant étape par étape, je suis sûr que la création d’un indicateur de fiabilité des prévisions des ventes sera un jeu d’enfant pour vous. Si vous n’avez pas accès à des historiques ou si vous n’avez pas encore de prévisions, ne vous découragez pas et commencez simplement, comme expliqué dans cet article.
N’hésitez pas à télécharger le fichier Excel utilisé dans cet article :
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